Revue de presse
« Raser ou rénover ? Réconcilier le passé et l’avenir de nos centres-villes »
par Jean-François Leu, Directeur Général Associé du Groupe CIR

Jean-François Leu, Directeur Général Associé du Groupe CIR
Face à ces défis de la transition écologique, la démolition-reconstruction semble souvent plus simple, quitte à assumer une perte patrimoniale. Une voie de compromis émerge toutefois : celle de l’hybridation.
Explications par Jean-François Leu.
A l’heure où la transition écologique bouscule nos modèles d’aménagement urbain, une question se pose avec acuité : faut-il préserver les bâtiments anciens qui façonnent nos centres-villes, ou faire le pari du neuf pour mieux répondre aux exigences contemporaines ? Cette interrogation, loin d’être anecdotique, cristallise des enjeux patrimoniaux, environnementaux, économiques et sociaux majeurs.
Nos villes sont des palimpsestes où cohabitent façades haussmanniennes, cours pavées et bâtisses modestes. Ce patrimoine, bien qu’identitaire, reste fragile. Il subit la pression des normes thermiques, des performances énergétiques, de l’accessibilité ou encore de la sécurité, rendant la rénovation complexe et coûteuse. Entre réseaux vétustes, murs porteurs imprévus et présence de matériaux toxiques, chaque chantier est une aventure. Le coût d’une réhabilitation lourde varie entre 1.500 et 4.000 euros par mètre carré, mais il peut être justifié par la localisation, le charme et la valeur du bien.
Le neuf, solution à double tranchant
Face à ces défis, la démolition-reconstruction semble souvent plus simple. Construire du neuf permet de répondre aux normes environnementales actuelles, d’optimiser les surfaces et de densifier. Les coûts hors foncier sont généralement mieux maîtrisés, autour de 1.500 à 2.100 euros par mètre carré. Mais cette option a un prix élevé : une perte patrimoniale parfois irréversible, même pour des bâtiments non protégés officiellement. C’est aussi un coût écologique élevé : démolir, c’est libérer le carbone stocké dans les structures, produire des tonnes de déchets et consommer des ressources pour reconstruire. Dans un secteur responsable d’environ 40 % des émissions mondiales de CO2, le choix n’est pas anodin.
Entre ces deux extrêmes, une voie de compromis émerge : celle de l’hybridation. Conserver les façades, surélever les structures existantes, réorganiser les espaces intérieurs pour y intégrer confort moderne et exigences environnementales.
Cette approche allie caractère architectural et performance technique. Mais elle exige des compétences pointues, des études préalables sérieuses et une coordination étroite entre collectivités, architectes, promoteurs et artisans. Elle implique aussi un changement de culture dans la manière de concevoir la ville, fondée sur la valorisation de l’existant plutôt que sur l’obsession du neuf.
« Au-delà des considérations techniques ou économiques, une réalité de marché s’impose : les acquéreurs valorisent de plus en plus les biens anciens rénovés. »
Encore faut-il accompagner ces efforts. De nombreux dispositifs existent pour soutenir la rénovation : aides de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), subventions locales, régimes fiscaux incitatifs comme la loi Malraux, le classement au titre des Monuments historiques, ou encore le dispositif Denormandie, alternative au Pinel pour les centres anciens. Mais ces aides sont souvent complexes à mobiliser, surtout pour les petits opérateurs ou les particuliers. Il est donc crucial de mieux les faire connaître et d’en simplifier l’accès.
Des aides sous-exploitées
Au-delà des considérations techniques ou économiques, une réalité de marché s’impose : les acquéreurs valorisent de plus en plus les biens anciens rénovés. Ce n’est pas uniquement une question de surface ou de performance énergétique. C’est un art de vivre, un cadre, une histoire. Un appartement bien rénové dans un quartier vivant et authentique se distingue sur un marché de plus en plus normé et standardisé. Il séduit autant par son caractère que par sa localisation.
Rénover ou raser ? La réponse n’est ni idéologique ni universelle. Elle dépend du bâtiment, de son état, du tissu urbain, des ambitions locales et des moyens disponibles. Ce qui est certain, c’est que les villes de demain ne pourront plus se penser sans prendre en compte leur passé. La ville durable sera celle qui saura faire du neuf… avec l’ancien.
Jean-François Leu
Pour aller plus loin :
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